La Tanzanie: un bijou mal exploité

Au terme d’un voyage de près de 24h ponctué par une longue escale à Nairobi, nous arrivons enfin à Dar Es Salaam, capitale de la Tanzanie.

Avant même d’atterrir, alors que nous survolons la ville, le changement est palpable. La ville semble mieux organisée. De majestueux gratte-ciels nous indiquent le centre des affaires.

Une fois posés, le changement est encore plus drastique. L’anglais, langue officielle, est relégué au rang de langue touristique (que les chauffeurs de taxi de l’aéroport manient ma foi fort bien…). Seul le Swahili est parlé ici (Un peu à l’instar du Wolof au Sénégal.  À la différence que le Swahili s’écrit et est largement publié et mis en avant (journaux, TV, publicités, même à l’aéroport et dans les avions de Kenyan Airways, tout est affiché en anglais et Swahili). Les voitures roulent à gauche. Les prises électriques sont différentes. Les mototaxis sont remplacés par les Bajajs, espèces de petits tricycles couverts de 200 cm3 généralement utilisés en Inde. Les femmes en burka sont bien plus nombreuses que dans les autres pays préalablement visités. Les boutiques d’électronique et d’informatique pullulent. Fini le Franc CFA. Ici c’est le Schilling tanzanien. 1 CFA vaut 4 Schillings. Physiquement aussi on note un changement évident. Il y a une importante communauté asiatique qui vit ici (indiens et chinois notamment) et les locaux, de manière générale, sont plus clairs et arborent des traits plus fins.

Ce qui ne change pas en revanche… c’est que le blanc continue d’être pris pour une vache à lait. Le prix des taxis est rédhibitoire (20 fois plus cher que le bus pour un trajet équivalent. Le choix ne fut pas des plus ardus ;.)), le ferry assurant la liaison entre la capitale et Zanzibar coûte près de 3 fois plus cher pour les non-résidents  et les tarifs pratiqués par les hôtels sont sans commune mesure avec le coût (peu élevé) de la vie.

Nous utilisâmes donc nos petites jambes depuis notre dortoir situé à quelques  5km du centre-ville pour visiter la capitale. Les photos laissent entrevoir les spécificités de l’agglomération citées ci-haut.

Après avoir tourné durant des heures. Une pause café-wifi s’impose. Une heure plus tard IMPOSSIBLE de trouver! Seule option indiquée par les riverains : casino Le Grande. 10$ USD de mise minimum plus tard, nous pouvons enfin accéder à internet et rassurer ainsi toute la famille soucieuse de notre bonne arrivée.

Cette petite escale ne nous permis pas de remporter le jackpot. Bien au contraire… mais nous aurons néanmoins la chance de faire la connaissance de Monica, une cubaine installée depuis un an et demi à Dar Es Salaam. C’était une embuscade! Le soir même, et ce jusqu’au petit matin, nous trinquions en compagnie de 6 cubains et 2 colombiens au Samaki-Samaki, bar-club tenu par un espagnol mi-rasta mi-pirate.

Dar es Salaam - du ferry en partance pour Zanzibar

P1080984 P1080985 P1080987 P1090003 DSCN2235

Quelques petites heures de sommeil plus tard, nous embarquons sur le ferry qui nous emmène à Zanzibar. 20$ USD par personne. 3h de trajet. Nous arrivons à Stone Town (Zanzibar Town), capitale de l’île d’Unguja. Nous tombons sur un groupe de 4 espagnoles. 4 femmes géniales dans la cinquantaine, qui nous indiquerons l’auberge la moins chère de la ville, Abdallah Guest House Annex (20$ USD la nuit) et avec qui nous passerons toute la soirée à manger et à rigoler. Une fois de plus couchés à pas d’heure. Nos corps de petits vieux s’en ressentent! On se réveille le lendemain sous les engueulades du proprio qui n’attend plus que nous pour nettoyer la table du petit déj. Il est déjà 10h!

Nous passerons la journée à visiter, à pied, cette ville au charme particulier classée au patrimoine mondial de l’UNESCO (un petit clic ICI pour en savoir plus). En compagnie de Ramadan, nous apprendrons à différencier les magnifiques portes en bois de style arabe ou indien, nous passerons en revue une bonne partie des 42 mosquées, des 2 églises et du temple hindou que compte la ville. Nous nous perdrons dans les dédales de cette citée aux centaines de ruelles. Pour notre plus grand plaisir.

Petits bémols toutefois. Les nombreux. Trop nombreux « beach boys » qui te vendent à chaque 100m une visite guidée de la ville, une statuette en bois soi-disant faite en ébène ou encore une petite dose de drogue. Première fois que nous avons à affronter ça depuis notre départ! Autre bémol… une épidémie de choléra sévissant à Zanzibar, les autorités durent prendre certaines mesures telles que… fermer tous les petits bouibouis offrant une nourriture locale, typique et bon marché. Vraiment pas de bol! Les seules options de repas débutant ainsi à 10.000 schillings (5 USD), nous nous rabattîmes rapidement vers le système D : pain en tranche, tomates, oignons et thon en boîte si nous étions chanceux!

Le 23 mai au matin, nous embarquons à 9h pour Bububu, petite ville situé à une dizaine de km de la « capitale ». Celle-ci doit son nom au bruit que faisait le train qui passait ici il y a un siècle, lors de la présence anglaise. Nous y visiterons une ferme aux épices. 2 heures de marche pour un tour très intéressant au cours duquel nous verrons et goûterons bon nombre d’épices et fruits exotiques que nous ne trouvons chez nous qu’en format industriel où en décoration sur les tables des restaurants les plus prestigieux.

Au terme de la visite, nous prenons un Dala-dala, qui se veut généralement être un toyota Dyna équipée d’une caisse décorée dotée de 2 bancs en bois sur les flancs, et prenons la direction du Nord. Nungwi, village réputé pour la beauté de ses plages en sable blanc et de son eau turquoise. Un local nous indique le camp Mama Fatuma. Quelques bungalows entourant un bar « palapa » tenus par un groupe de rastas! On y fera de belles rencontres et y passera du bon temps! Tout est tellement plus facile avec des dreads!

P1090037 DSCN2242 DSCN2245 DSCN2266 DSCN2267 DSCN2278 DSCN2287 DSCN2295 DSCN2303 DSCN2331 DSCN2337 DSCN2339 DSCN2348 DSCN2349

Retour à Stone Town le 25.

Pour rentrer sur Dar Es Salaam, nous optons pour le ferry de nuit (20$ par personne au lieu de 35$). Départ 21h. Arrivée à 6h. Après avoir rapidement écarté un nouveau taxi qui voulait nous prendre pour des pigeons, nous trouvons le bus qui nous emmènera au terminal Ubungo (70 cts pour les deux… au lieu de 15$!). Une fois sur place, même topo. 8 revendeurs de tickets peu scrupuleux ne nous lâchent pas. On leur demande gentiment de partir. Sans effet. On essaie en haussant la voix. Pas mieux. On demande aux officiels du terminal. Aucune réaction. Après avoir perdu 30 minutes et s’être bien engueulé avec une paire de connards, nous voici enfin à bord. Nous arriverons 7h plus tard à Lushuto dans le Nord.

Lushuto est un petit village de la Province de Tanga. Il est entouré de montagnes et il y fait frais en cette saison. Il n’est d’ailleurs pas surprenant de trouver dans le marché de friperies bordant le terminal d’autobus des chaussures de montagne, des parkas, des vêtements techniques, des bonnets et même des paires de gants!

Dans le bus, nous avions fait la rencontre d’Elvis (disons plutôt que c’est lui qui est venu nous rencontrer ;.)). Elvis est un guide rasta de 27 ans. Tranquille, il nous indiqua une petite auberge, la White House où nous dormîmes 4 nuits (15.000 schillings (7 euro) la nuit, petit dej inclus). Il finit par nous convaincre de le suivre pour une « day trip » de 7 heures dans les montagnes environnantes. Après avoir âprement négocié les tarifs, une fois de plus, nous prîmes un « day off » : un peu de boulot, quelques thés au gingembre, et deux bons gros repas chez Mary, une excellente cuisinière qui, dans sa cabane en bois de 3×3, nous faisait découvrir les spécialités locales.

Daniel et Laura, un couple berlinois se joint à nous pour la rando. Nous eûmes la chance de voir un grand nombre de caméléons à corne (il semblerait que l’infidélité soit également de mise chez les reptiles…;.)), de profiter de magnifiques points de vue de la chaîne de montagnes de l’Usambara, et de croiser quelques vestiges de la présence allemande dans les parages (notamment une mine de bauxite utilisée par les troupes allemandes durant la première guerre mondiale).

Bref, une rando enrichissante à tous points de vue. Et pour clore l’aventure en beauté, une petite bière en compagnie de nos acolytes d’un jour!

DSCN2359 DSCN2367 DSCN2377 DSCN2380 DSCN2384 DSCN2386 DSCN2391 DSCN2396DSCN2400 DSCN2408 DSCN2412 DSCN2413 DSCN2417 DSCN2399

Un jour off de plus et nous embarquons pour Moshi, à 5h de bus de là. Lushoto, à l’exception de mes altercations avec deux branquignols, est un village très agréable que nous vous recommandons chaudement (aux deux sens du terme!).

Mardi 30 mai. Nous arrivons à 13h au terminal de bus de Moshi, ville située au pied du célèbre Kilimanjaro! William, un collègue d’Elvis nous prend en charge. Il nous indique une auberge abordable et bien située, nous montre rapidement les points principaux de la ville (banque, marché…)… puis nous propose à nouveau moult tours! Nouvelle négociation. Nouvelle entente. Et nouvelle sortie programmée : chutes de Ndoro, villages et plantation de café au pied du Kilimanjaro! Mais ça, ce ne sera que le 1er juin. Pour mon anniversaire, le 31, nous irons, en amoureux, aux sources d’eau de Boma Ngombe… 1h en dala-dala  et 1h en bajaj. Et autant dire que le périple en valait la chandelle! Perdu au beau milieu de nulle part, une petite oasis . Au milieu de cette oasis, une piscine naturelle transparente. Dans cette eau, des petits poissons bouffeurs de peaux mortes. À part ces derniers… que du bonheur! Le reste de la journée? Une femme aux petits oignons, un gâteau en forme de cœur, une bouteille de vin local (et oui!!) et tout ça avec le Kilimanjaro en toile de fond…

Mais pas le temps de trainasser. Le 1er juin, c’est aux aurores que nous nous réveillons. À 31 ans, on se lève naturellement plus tôt…;.) Une longue journée de rando & découverte en compagnie de notre guide Paul (qui remplace Paul, soi-disant souffrant…) nous attend. Après une heure de Dala-Dala, nous arrivons dans un bled de l’ethnie Chaga : Marangu. Quelques km de marche plus loin, nous atteignons la plantation de café de Babu Coffee (surnom du vieux propriétaire). Nous y passerons deux heures au cours desquelles nous passerons en revue tout le processus de transformation du café. Du plant jusqu’à la tasse. Et tout ça avec la bonne humeur contagieuse de notre hôte!

On y serait bien resté la journée, mais le tour est encore long. Les chutes de Ndoro nous attendent en effet à quelques km de là. Descente glissante. Montée abrupte. Chutes mouillées ;.) et hop c’est parti pour le casse-dale.

Encore quelques villages à traverser pour atteindre un joli point de vue sur les hauteurs de Marangu. On peut y voir au loin le Kenya. Plus près, l’église construite en 1831 par les allemands. Petite pause bière de banane sur le chemin du retour. Et nous voici (après un changement imprévu de dala-dala pour cause de roue ne tenant plus que par 1 écrou) de retour à notre hôtel. Dernière vue sur le Kilimanjaro, car demain, c’est le départ pour Mwanza, sur les rives du fameux lac Victoria, à 14h de là…

P1090547 P1090597 DSCN2438 P1090622 P1090639DSCN2474 DSCN2485 DSCN2494 DSCN2507 P1090792

Mwanza, ce nom vous dit peut-être quelque chose. C’est la ville dans laquelle a été tourné le documentaire polémique « Le cauchemar de Darwin ».

Alors autant être franc, on est quand même loin de la misère inconcevable décrite dans le documentaire. Néanmoins on ne se mentira pas. Il y a un vrai problème social ici. Des mendiants, des personnes atteintes de polio et surtout des enfants nous abordent très fréquemment dans la rue pour demander quelques pièces. Ça faisait bien longtemps que ça ne nous était pas arrivé. Ça dérange et ça fait mal. Nous essayons toutefois de passer outre pour pouvoir profiter des environs. Et c’est à peine lorsque nous arrivons à retrouver nos esprits de voyageurs qu’on devient soit victime d’une tentative d’escroquerie, soit victime d’un abus d’autorité de la part d’un flic en civil. Nous parcourrons néanmoins la ville en long et en large: the Bismarck rock (où nous avons eu la chance de tomber sur le tournage de plusieurs clips musicaux. Surprenant!!), le marché aux poissons de Kamanga, celui de l’autre côté de la baie dont j’ai totalement oublié le nom, le centre ville, le marché de friperies… On arrive enfin dans un petit bar histoire d’essayer de profiter de quelques instants de sérénité. La serveuse prend notre commande, récupère les restes (capsules, serviettes…) laissés par les anciens client, puis les jette par dessus le balcon. Directement dans la rivière. Notre journée se termine comme elle a débuté, par un sentiment d’impuissance et un soupçon de dégoût.

DSCN2529 DSCN2535 DSCN2551 DSCN2553 DSCN2555

On tentera à nouveau l’expérience le lendemain, puis prendrons notre envol pour Dar Es Salaam le 6 juin. Le 7, après une dernière soirée en compagnie de nos amis cubains, nous quitterons définitivement la Tanzanie pour le Zimbabwe, où les chutes Victoria nous attendent…

En marge de l’article…

Petit coup de gueule. La Tanzanie est un pays magnifique qui regorge de trésors. L’île de Zanzibar avec son architecture, ses plages paradisiaques et ses épices. Le kilimandjaro. Ses nombreux safaris (Serengueti, Ruaha, Selous…etc…). Le lac Victoria, second plus grand lac d’eau douce au monde. Mais selon moi, ces trésors sont mal exploités. La surcommercialisation (pour ne pas dire surtarification) dont ils font l’objet (pour un trek de 6 jours dans le Kilimanjaro, les frais allant directement à l’État se chiffrent à 740 USD par personne! Le montant global avoisinant les 2000 USD!!!) associée à la trop grande dépendance de certaines population vis-à-vis du tourisme et l’attitude inadaptée de trop, mais vraiment trop nombreux « professionnels » de l’industrie (pas moins de 1000 agences spécialisées pour la seule ville d’Arusha!!), risquent de sérieusement compromettre le développement à long terme de cette source de revenus essentielle pour le pays. D’autant plus si certains pays d’Afrique se réveillent à ce niveau, investissent judicieusement et communiquent intelligemment (Cameroun, Sao Tomé et Principe, Madagascar, Bénin…).

Moi, président (de la Tanzanie), je prendrai des mesures radicales afin de réduire de manière significative les tarifs d’entrée dans les parcs nationaux (-50%). Cela afin de développer un tourisme plus varié et surtout plus local (à l’échelle du continent).

Moi, président (de la Tanzanie), j’investirai davantage dans le tourisme culturel, actuellement largement distancé par le tourisme « naturel ». La diversité des populations, l’histoire du peuplement du pays, les ethnies à la renommée internationale (Masai notamment)… peuvent intéresser de nombreuses personnes adeptes de ce type de séjour.

Moi, président (de la Tanzanie), je mettrai en place une grande campagne de sensibilisation des populations au sujet du développement durable du tourisme. De ses effets à long terme. Cela afin de limiter les incalculables « arnaques » dont les musungos (blancs) font l’objet, ou de mettre un terme au racolage incroyable qui se produit dans les terminaux de bus.

Moi, président (de la Tanzanie)… ça n’arrivera jamais…;.)