Cameroun. L’Afrique en miniature

Arik Air nous avait déjà fait le coup à Dakar. Rebelote cette fois-ci. À peine arrivé à l’aéroport de Cotonou pour embarquer direction Douala, on nous annonce que le vol a été annulé et qu’il nous faudra revenir jeudi à la même heure. Soit 48h plus tard!

Trop c’est trop. Après 6 heures de calmes négociations restées vaines (il faut dire que négocier avec une équipe d’incapables a ses limites), je fis, et pour mon plus grand plaisir « le français ». Je m’étais entre-temps renseigné sur les réglementations internationales et régionales de l’aviation civile. Je leur expliquai donc que s’ils poursuivaient leur pathétique gestion de crise qui ne consistait qu’à nous abandonner à notre triste sort, j’allais entamer des poursuites. Puis je leur citai les quelques articles de lois trouvés ci-et-là sur internet. 10 minutes après on nous annonçait, à Astrid, Joe (un camerounais de Buea) et moi-même, qu’un logement avait été trouvé. Comme quoi, il suffit de peu.

Nous passerons les 2 jours suivants à marcher, à rendre visite à Dieudonné et à boire de la bière. Beaucoup de bière en compagnie de Joe. Le ton était donné. Le Cameroun ferait sans doute mal à mon foie.

Nous arrivons enfin à Douala où nous attend Ivan! Ivan, c’est mon ancien collègue d’HEC. Je lui en ai mis des branlées à PES à l’époque (oui oui Ivan… et si tu n’es pas d’accord, tu n’as qu’à créer un blog…;.)). Mais ça, c’était il y a plus de 8 ans…Bien que je doute que son niveau de PES se soit amélioré, il est depuis devenu un heureux mari, un papa de deux jolis bambins et un professionnel accompli. Ce qui n’a pas changé, ce sont ses qualités d’argumentation ainsi que ses connaissances géopolitiques et économiques pointues. Ce qui promet de bien belles soirées « refaisage de monde » en perspective.

Avant de sortir de l’aéroport et de prendre la route pour Kribi où Ivan a récemment été affecté, ce dernier doit « s’employer » avec les autorités afin que celles-ci valident notre visa.

Ça y’est. Nous sommes à Kribi, ville côtière du sud est du Cameroun. Nous y passerons près d’une semaine. Au programme : Baignades sur les plages de sable noir où l’océan, calme et chaud, est enfin accueillant. Promenades à travers la ville avec escale obligatoire au grand marché. Astrid y trouvera même un maillot de bain. Une première! Mais surtout, découverte du village pygmée de Bidou, à une heure de moto de Kribi. Nous y rencontrerons le chef du village et sa famille et discuterons, deux heures durant, du sort réservé à ce peuple des forêts, le plus ancien du Cameroun. Nous y apprendrons notamment que l’aide des ONG européennes et américaines n’arrive presque jamais au village, « mangée » au préalable par la corruption qui gangrène ce pays d’Afrique Centrale depuis de nombreuses années (depuis la dévaluation du Franc CFA selon une théorie avancée par Ivan). Le chef nous montra ainsi un cacaoyer, et un palmier, respectivement présentés de manière officielle comme une plantation de cacao et une palmeraie destinée à la production d’huile. Le reste? Médecine moderne inexistante et peu ou prou d’éducation. De toute manière, les plus chanceux atteignent tout juste le BEPC. Sans moyens, comment poursuivre les études? Pendant ce temps, leur forêt perd hectare après hectare, vendue au plus offrant par le gouvernement, et le peuple Pygmée craint pour sa survie.

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Il est temps de prendre la route. Nous retrouverons Ivan plus tard. D’ici 3 semaines. Ses obligations professionnelles, et familiales désormais, l’empêchant de prendre part à l’aventure.

Première étape : Buea, ville anglophone, où nous retrouverons Joe, notre compagnon de galère à Cotonou.  Pour y arriver, micro-bus jusqu’à Douala. Taxi collectif de Douala à Bonabéri. Puis taxi brousse pendant une heure. Nous débarquons à 870m d’altitude, une première. L’imposant Mont Cameroun, qui culmine à 4080m surplombe la ville. C’est beau. C’est frais.

Joe nous trouve rapidement un petit hôtel et nous indique où bien manger pour pas cher. Et en effet, pendant les 4 jours que durera notre séjour dans la ville nous découvrirons les spécialités locales (Achu, Héro, Yam & cabbage, Nyama Nyama, Eru, water fufu, kwakoko…). Bien pris par ses business (vêtements, snack, super marché), Joe nous indiqua les choses à voir et nous laissa les visiter en toute autonomie : Les plantations de thé de Tolé, où malheureusement nous ne pourrons découvrir la factory, faute d’autorisation. Le monument des 50 ans de l’indépendance et de la réunification à Buea Town. Le cimetière des premiers colons allemands… Nous en profitons également pour prendre contact avec Stéphane, guide du parc du Mont Cameroun. Nous comptons en effet gravir la montagne, la seconde plus haute d’Afrique derrière le Kilimandjaro. Au moins jusqu’au Hut 2 (Pour atteindre le sommet, une randonnée de 2 jours minimum est nécessaire).

C’est ainsi que le vendredi 29 avril au petit matin nous débutons l’ascension. Une heure et demi plus tard, Astrid, toujours très à l’écoute de son corps, préfère renoncer, ne se sentant pas capable de poursuivre sur le même rythme un parcours à la difficulté croissante. Nous fîmes donc demi-tour mais décidâmes de rentrer jusqu’à l’hôtel à pied. Nous aurons marché au total plus de 4h30, accumulant pas moins de 15km.

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Après une dernière soirée où nous fûmes invités par les grands pontes de la ville (allez savoir par quelle coïncidence…) nous prenons la direction de Bamenda, à quelques heures de route au Nord.

Troisième ville du pays, anglophone, Bamenda se distingue par un relief particulier et un climat de plus agréables. Située sur les hauts plateaux à 1500m d’altitude elle est entourée de montagnes verdoyantes et est continuellement traversée par des courants d’air frais. Bien conseillés par Ivan, nous passerons 2 jours à visiter les environs. Ndop et Jakiri notamment. Là encore les paysages sont tout bonnement magnifiques… et surprenants. Bananiers et palmiers côtoient de majestueux pins et de grandes plaines où paissent tranquillement des centaines de vaches bien nourries. À quelques mètres de là, une cascade par ci. Une autre par là. Le tout dans la plus parfaite indifférence des locaux. Après tout, quoi de plus normal. On n’apprécie les choses à leur juste valeur qu’une fois qu’elles quittent notre quotidien.

Ces promenades auront été marquées par quelques équations sociales intéressantes (comment entrer à 12 dans un mini van de 7 places? Facile. 4 devant. 4 au milieu. 3 derrière et un gamin sur les genoux), et auront fait l’objet de quelques frayeurs liées à ces dernières (lancé à pleine vitesse, en descente, le chauffeur prend les virages à gauche, tout en décrochant son téléphone et en passant une vitesse entre les cuisses des voyageurs 2 et 3…).

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Après l’aspect naturel. Place au culturel. À quelques heures de taxi brousse de Bamenda, nous arrivons à Foumban. Le trajet fut marqué par une discussion passionnante et passionnée sur qui des bamilekes et ceux du Nord étaient les plus riches du Cameroun. Ça a crié et ça a rigolé. Le plus fort, c’est que nous étions à l’origine de la discussion. Nous échangions sur le sujet avec notre voisin. À la fin une dizaine de passagers y prirent part! Fini le téléphone arabe. Vive le téléphone camerounais!

À Foumban, nous visitâmes le fameux Palais du Sultan Bamoun, transformé en partie en un magnifique musée. La visite y fut des plus intéressantes, l’humour et les connaissances du guide jouant il est vrai un rôle prépondérant. On y apprit l’importance de la culture Bamoun depuis le 14ème siècle et l’influence de Njoya?????, le grand père de l’actuel sultan. C’est lui qui instaura entre autres l’écriture Bamoun. Petite anecdote à son sujet : le sultan était musulman. Mais comme il aimait boire et fumer, il devint catholique. Une fois catholique, on lui dit qu’il ne devait avoir qu’une femme. Petit problème, il en avait 681!!! Il décida donc de créer sa propre religion! Pas folle la guêpe!

C’est  au cours de cette visite que nous fîmes la connaissance de Céline et d’Isabelle, deux françaises avec qui nous passerons finalement toute la journée, à Foyet, petit village situé à 18km de Foumban. On y rencontra le chef, le doyen et quelques habitants. Nous y visitâmes un petit bar. Et nous y mangeâmes quelques mangues. Au retour, Astrid m’accordait une petite soirée célibataire pour aller voir (une fois de plus) un match de Ligue des Champions. Super expérience! La passion était au rendez-vous. L’alcool également. Ce qui devait arriva et l’ambiance s’emballa quelque peu. Les insultes fusèrent : Redescends de ton manguier! Chien de peau noir! Villageois! Mais comme toujours ici, les choses se calmèrent assez rapidement et la bonne humeur gagna la partie. Le Real Madrid également.

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Lendemain, départ pour Ngaoundéré. Long périple en deux étapes. La première nous mena jusqu’à Banyo (5 heures de route) et nous permis d’expérimenter une nouvelle fois le concept de taxi de la mort ;.) Cette fois j’osai quand même un « oh hé chauffeur. Je m’en tape d’arriver 10 minutes plus tôt. Je veux juste arriver vivant »! Tollé général. En gros si on devait mourir c’était notre destin. Eh bééééé que je leur dis. Je n’ai pas de problèmes avec mon destin, mais à quoi bon laisser un chauffeur inconscient jouer avec! Bon, et pour parachever le tout, nous nous fîmes contrôler par un gendarme complètement défoncé. Une scène digne d’un sketch des Inconnus. Il me demanda même de sortir du véhicule. Il s’adressa à moi. Forcément je ne pigeai pas un mot de son discours. Je lui fis donc une petite moue d’incompréhension à laquelle il me répondit par un : Tu me menaces? Deuxième petite moue de ma part. Il m’invite à partir. Je ne me fis pas prier. Nous arrivons finalement à Banyo.Petite ville. Toute petite ville où nous fîmes la rencontre de Paul, un libraire avec qui nous échangeâmes pendant près d’une heure. Religion, instruction des filles, politique. Tout y passa. Un vrai régal. En soirée, c’est chez Marlise que nous prîmes nos aises. Un bon repas, fort accessible et avec en prime un thé offert. La faute aux cheveux d’Astrid qui fascinèrent les femmes présentes!

Après une nuit terrible à dormir sur un matelas quasi-inexistant et malodorant. Sur un sommier cassé faisant le bonheur de familles entières de cafards et grillons, nous étions prêts à poursuivre notre périple. Pour précision, il n’y avait que deux auberges à Banyo. L’une était pleine… l’autre, c’était la nôtre. Mais bon, à 3000 CFA la nuit (4,5 euro), on ne pouvait pas prétendre à mieux.

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Pour arriver à Ngaoundéré où nous attendait Alain, un ami d’Ivan, il nous fallut plus de 12h de route! Pas dans les meilleures conditions, certes, mais on s’y fait! Enfin, plus difficilement pour Astrid qui semblait couver quelque chose. On finit tout de même par y arriver. Et quelle réception mes aïeux! Alain s’était plié en 4 et avait mis les petits plats dans les grands. Il prépara lui-même du Ndolé, un poulet farci, une sauce gombo-graines de courge (pistache), des plantains frites, du couscous manioc. Et même Christian, son voisin de palier, contribua au festin! Bref, après l’effort, le réconfort!!

Samedi 7 mai. Visite de la ville. À pied tout d’abord. Puis en voiture avec Alain. Nous en profiterons pour visiter le Lamidat de Ngaoundéré, une sorte de sultanat de Foumban local, qui possède toujours une forte influence dans la région. Quelques 500 chefferies de troisièmes niveaux sont sous les « ordres » de ce Lamidat musulman. Un véritable système que je pourrais appeler féodal (les chefferies devant donner à défaut d’argent, quelques récoltes au Lamidat) qui fonctionne toujours en parallèle du système dit « moderne » pour des questions d’économie, mais également de justice!

Le dimanche, nous prîmes la route pour le Ranch Ngaoundaba dont Christian assure la gestion. Un véritable paradis. Un lac de cratère profond de 80m entouré d’une végétation luxuriante, de chevaux en liberté et surplombé d’un restaurant et de bungalows construits dans les années 30. Outre le complexe d’hôtellerie restauration, Christian a développé sur ce ranch de près de 70 ha un projet d’élevage, d’abattage et de commercialisation de viande bovine de premier choix. Un tour qui acheva en beauté notre court séjour dans l’Adamaoua. L’accueil magnifique d’Alain et de Christian nous aura permis d’apprécier au mieux la région et nous a même donné envie d’y revenir pour visiter le grand nord du pays, aujourd’hui malheureusement sous la menace de Boko Haram. Rendez-vous est donc pris pour dans quelques années.

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Il est temps pour nous de retrouver Ivan, Zaïna, son adorable petite femme et leurs enfants. À Yaoundé cette fois. Et pour ce faire, nous prenons le train CAMRAIL à Ngaounderé le dimanche à 19h. Train couchette très confortable et très propre qui, au lieu d’arriver à 9h30, arrivera à 14h30. La faute à un soi-disant « train de marchandises en détresse! ». Tant pis, nous en profiterons pour débattre politique et économie avec nos voisins de cabine, Jean-Paul (militaire revenant du grand Nord) et Abel (informaticien et jeune entrepreneur).

Le reste de notre séjour camerounais se fera relax, en compagnie de la famille Bekolo. à Yaoundé puis à Kribi. Nous profiterons de ces quelques moments en leur compagnie pour refaire le monde, boire quelques bières, et découvrir quelques spécialités locales telles que le serpent ou les charençons (espèces de gros vers dodus). Un vrai régal, dans tous les sens du terme! Il ne nous reste plus qu’à remercier comme il se doit cettesuper famille avant de grimper dans l’avion Kenya Airways qui nous attend à Douala. Direction Dar Es Salaam en Tanzanie! Adios Cameroun. On se reverra!